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La Galerie de l'Histoire
29 juin 2017

La Révolution de 1848 et l'installation de la IIe République

Emeutes de la faim en 1846

L'année 1846 fut très difficile : mauvaises récoltes de blé et de pommes de terre, série d'inondations catastrophiques du Rhône et de la Loire, augmentation énorme du prix du pain. Des émeutes de la faim éclatèrent un peu partout en France.

Le renchérissement des denrées de première nécessité diminua le pouvoir d'achat des masses : les stocks s'accumulèrent. Il fallut réduire la production dans les mines et les usines. Cela entraîna des milliers de banqueroute et plus d'un million de chômeurs. La prospérité qui, depuis 1832, faisait la force du régime disparut.

Les Français, comme à leur habitude, cherchèrent des responsables à leurs difficultés et mirent très vite la crise économique sur le dos du gouvernement.

Banquet républicain

L'opposition, qui ne manquait pas d'opportunisme, résolut d'exploiter le mécontentement général : libéraux, légitimistes et républicains s'unirent pour lancer dans le pays une campagne de banquets au cours desquels des orateurs aussi habiles que démagogues exigaient des réformes politiques (mai 1847).

Il y eut près de 70 banquets d'organisés.

A l'Assemblée, l'attaque contre le gouvernement, lors de la discussion de l'Adresse en janvier 1848, fut très violente. Guizot, le chef du gouvernement, fut plus altier et plus méprisant que jamais.

Paris le 22 février 1848

L'opposition décida d'organiser un nouveau banquet pour le 22 février 1848 : il fut accompagné d'

une grande manifestation. Les autorités interdirent de tenir une telle manifestation mais elle eut lieu quand même.

Le soir, quelques incidents éclataient de cà et là. 

Le lendemain, ce fut au tour de la Garde nationale de manifester son mécontentement aux cris de "Vive la réforme !", "A bas Guizot !"

Louis-Philippe comprit la gravité de la situation et demanda à Guizot sa démission. Tout danger semblait dès lors écarté. Mais le soir-même, un évènement fortuit modifia du tout au tout la situation.

Boulevard des Capucines 1848

Une échauffourée eut lieu au boulevard des Capucines ; la troupe intervint, ouvrit le feu et tua seize manifestants. Les républicains n'hésitèrent pas à faire de la récupération politique de cet évènement pour se hisser au pouvoir. Les cadavres, entassés sur un chariot, furent promenés toute la nuit dans les divers quartiers de la ville, au milieu des appels à l'insurrection.

Au matin du 24 février, Paris bouillonnait : aux cris de "Vive la République !", une foule hostile occupa l'Hôtel-de-Ville avant de venir menacer les Tuileries.

Louis-Philippe abdiqua en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, puis gagna l'Angleterre.

Duchesse d'Orléans à l'Assemblée 1848

Dans l'après-midi, la duchesse d'Orléans se rendit à la Chambre pour se faire accorder la régence au nom de son fils, alors âgé de dix ans. Mais les éléments les plus radicaux des républicains ne voulurent pas se faire escamoter leur révolution, comme en 1830 : ils envahirent avec fracas la salle des séances et exigèrent la proclamation de la République.

Les députés, pris en otages, n'essayèrent même pas de résister à ce putsch.

Un groupe de députés républicains, parmi lesquels le poète Lamartine, l'avocat Ledru-Rollin ou encore l'astronome François Arago, furent désignés pour former un gouvernement provisoire. Ils se rendirent aussitôt à l'Hôtel-de-Ville pour y proclamer la République.

Leur première mesure - symbolique - fut d'instituer le suffrage universel.

La grande majorité de la nation n'était pas républicaine, loin de là même, mais le suffrage universel, la liberté de la presse et de réunion suscitèrent un enthousiasme général dans toute la France : les ouvriers crurent que le nouveau régime allait, dans les plus brefs délais, améliorer leurs conditions de travail et les bourgeois, constatant que cette République n'engendrait ni anarchie ni terreur, apportèrent leur soutien. Et même les prêtres bénissaient les arbres de la Liberté que l'on plantait en grande cérémonie sur toutes les places des villes et des villages.

Mais passées les illusions, les réalités revinrent rapidement à la surface.

En effet, le changement de régime et l'arrivée au pouvoir d'un nouveau personnel dirigeant n'endigua pas la crise économique et financière qui continuait de sévir. Bien au contraire même, il la transforma en catastrophe : rien qu'à Paris, plus de 450 établissements industriels mirent la clef sous la porte. La Banque de France était sur le point de cesser ses paiements. Le gouvernement dut décréter le cours forcé de la monnaie et augmenter les impôts de 45% !

Alors, loin d'apporter les solutions escomptées, la Révolution de février agrava encore davantage le sort des ouvriers. Elle empêcha l'application du programme socialiste qui réclamait le rachat des chemins de fer par l'Etat, la nationalisation des grandes entreprises et la suppression des taxes sur les produits de consommation.

La question sociale passa au premier plan. Elle divisa les républicains :

  1. D'une part, les républicains modérés - bourgeois - qui se refusaient à accréditer tout bouleversements sociaux ;
  2. D'autre part, les socialistes qui, au contraire, prônaient une transformation radicale de la société.
  • La pression socialiste :

Manifestation socialiste devant l'Hôtel de Ville de Paris 1848

Dès le lendemain de l'installation du nouveau régime, les membres du gouvernement provisoire furent contraints de céder aux pressions des groupes socialistes. Les ouvriers étaient endoctrinés et armés ; ils vinrent jusque sous les fenêtres de l'Hotel-de-Ville pour intimider les membres du gouvernement. Ils les obligèrent à proclamer le droit au travail. 

Ils ne purent cependant faire remplacer le drapeau tricolore par le drapeau rouge. 

"Le drapeau tricolore, déclara le poète Lamartine depuis le perron de l'Hôtel-de-Ville, a fait le tour du monde avec nos libertés et nos gloires, tandis que le drapeau rouge n'a fait que le tour du Champ-de-Mars baigné dans les flots du sang du peuple."

Une nouvelle manifestation eut lieu deux jours après, 28 février et cette fois, les ouvriers parvinrent à forcer les portes de l'Hôtel-de-Ville ; ils réclamaient l'instauration de la journée de 10 heures et l'établissement d'un ministère du Travail.

Les membres du gouvernement n'osèrent pas refuser complètement, n'étant pas en position de force pour le faire. Toutefois, ils ne créerent pas le ministère réclamé mais, à la place, ils nommèrent une commission chargée des travailleurs et en confièrent la présidence au socialiste Louis Blanc.

  • Les élections générales du 23 avril 1848 :

Elles furent une écrasante défaite pour les socialistes ; ceux-ci, minoritaires dans le pays, eurent moins d'une centaine de députés à l'Assemblée. La majorité fut obtenue pour les républicains (500 députés) et les monarchistes ralliés (300 députés).

L'Assemblée nouvellement élue était Constituante. Elle avait pour mission d'élaborer une nouvelle Constitution pour le pays et de discuter des conditions électorales dans lesquelles se tiendra le prochain scrutin à même de désigner le futur chef de l'Etat. En attendant elle confia le pouvoir exécutif à cinq députés (François Arago, Lamartine, Garnier-Pagès, Ledru-Rollin et Pierre-Marie de Saint-Georges). Cette sorte de Directoire ne comprit pas un seul socialiste.

Envahissement de l'Assemblée 15 mai 1848

Furieux d'avoir été ainsi écarté du pouvoir, les socialistes, qui tenaient toujours le pavé parisien, tentèrent un coup de force contre l'Assemblée : le 15 mai 1848, sous prétexte de présenter une pétition en faveur des insurgés polonais, ils pénétrèrent en armes dans la salle des séances, déclarèrent l'Assemblée dissoute et proclamèrent un nouveau gouvernement. 

L'entreprise tourna court : la troupe intervint rapidement pour chasser les émeutiers putschistes et les meneurs (Raspail, Barbès, Auguste Blanqui et Alexandre Martin dit l'ouvrier Albert) furent arrêtés. Dans la foulée, les clubs socialistes furent fermés.

Rassurée, la bourgeoisie était dès lors déterminée à briser définitivement l'agitation ouvrière. L'occasion en lui fut fournie, un mois plus tard, par la fermeture des Ateliers nationaux.

  • La fermeture des Ateliers nationaux et les émeutes de juin :

Louis Blanc

Ces ateliers, dans l'idée de son fondateur, Louis Blanc, devaient être des ateliers de production où les ouvriers seraient regroupés par corps de métiers comme jadis les anciennes jurandes. Mais le ministre des Travaux publics, Pierre-Marie de Saint-Georges, les organisa de manière différente et en fit des ateliers de charité à l'anglaise où les chômeurs étaient employés à des travaux de terrassement.

Début juin, ils étaient 120 000 bénéficiaires à vivre de l'indemnité de 1 franc par jour qui leur étaient versée.

Pour les membres de la commission exécutive, ces ateliers constituaient un grave danger social. Aussi, dès le 21 juin, ils prirent la décision, actée par l'Assemblée, de faire fermer les Ateliers nationaux, reconnus comme un foyer potentiel d'agitation politique. Les ouvriers furent invités à aller trouver du travail dans les chantiers en province ou s'enrôler dans l'armée.

Emeutes de juin 1848

Indignés, les ouvriers se soulevèrent et commencèrent de dresser des barricades dans les rues de Paris. C'était une insurrection spontanée, sans chefs ni programme, seulement poussée par la misère et la faim.

L'Assemblée réagit immédiatement en votant la dissolution de la commission exécutive et en confiant les pleins pouvoirs à un militaire énergique, le général Eugène Cavaignac, pour réprimer l'insurrection.

Général Eugène Cavaignac

Ainsi, commença, dès le 23 juin 1848, la plus terrible bataille de rues qui eût encore ensanglanté Paris. Celle-ci devait durer trois jours. Elle fit plusieurs milliers de morts, dont six officiers et l'archevêque de Paris, Monseigneur Affre, qui tenta de s'interposer pour ramener la paix.

L'armée et la Garde nationale remportèrent la victoire.

La répression qui s'abattit sur les insurgés fut terrible. Il y eut plus de 11 000 arrestations, près de 4000 personnes furent déportées, sans jugement, en Algérie. Les clubs et cercles socialistes furent fermés et les journaux de cette tendance interdits.

Les ouvriers avaient été frappés à mort par la République. Ils lui étaient désormais farouchement hostiles ; les bourgeois aussi, qui n'admettaient l'augmentation des impôts et les paysans redoutaient qu'à l'instigation des socialistes on ne procédât à un partage des terres. Cette peur des "rouges" et des "partageux" rapprocha dès lors tous ceux qui avaient quelque richesse ou intérêts à défendre et les unit au sein d'un grand parti de l'ordre.

Le Second Empire devait sortir de cet état d'esprit.

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