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La Galerie de l'Histoire
24 mars 2017

Le Ministère du cardinal de Fleury (1726-1743)

Cardinal Fleury

André-Hercule de Fleury, élévé à la dignité cardinalice l'année même où il succéda au duc de Bourbon,

était âgé de 73 ans, étant né à Lodève en 1653. Louis XV annonça sa résolution de gouverner par lui-même mais, bientôt repris par son naturel indolent, il abandonna vite le pouvoir à son vieux précepteur car ses meutes de chiens de chasse l'intéressaient au final beaucoup plus que la chose publique.

Lorsque Fleury prit les rênes du gouvernement, on lui reconnut généralement un esprit juste et droit, des vues solides, beaucoup de franchise et des goûts très sincères de simplicité et d'économie. Par la suite, on le jugea plus sévérement.

  • Administration intérieure.

Dans sa gestion des affaires internes de la France, le cardinal Fleury fit preuve de probité et d'économie. Le pays sortit, dès les premiers temps du nouveau ministre, de l'état troublé où il se débattait depuis la fin de la Régence. De sérieux efforts furent entrepris pour relever la situation financière. 

Michel-Robert le Pelletier des Forts, nommé contrôleur-général des Finances, fixa la valeur des monnaies, supprima l'impôt du cinquantième, substitua aux fermes générales la perception en régie. Son successeur, Philibert Orry, dut, sans doute, pour soutenir les frais de la guerre, rétablir l'impôt du dixième (1733), réaliser un emprunt en rentes perpétuelles, constituer des rentes viagères et faire des loteries; du moins son administration fut-elle rigoureusement intègre. 

La "corvée royale" fut réglementée pour l'éxécution des travaux sur les routes et chemins (1738) et les efforts du ministère furent secondés, sur place, par les intendants (ancêtres des actuels préfets) et à Paris par Daniel-Charles Trudaine, qui fonda l'Ecole des Ponts et Chaussées. 

Malgré les entraves liées à l'esprit très protectionniste du cardinal, le commerce extérieur fit pourtant un bon prodigieux, mais la richesse restait entre les mains d'un petit nombre de gens et la masse de la population continait de souffrir d'une misère extrême.

  • Les jansénistes.

La politique menée par Fleury contre les jansénistes fut extrêmement rigoureuse. 

La bulle Unigenitus avait mis aux prises une fois de plus l'autorité ultramontaine et le gallicanisme. Les adversaires de la bulle, qui prétendaient s'en rapporter à la décision d'un concile et non à celle du pape, se rencontraient dans les facultés de théologie, le bas clergé, au Parlement et dans les milieux bourgeois et populaires.

En 1718, le pape Clément XI, dans son encyclique Monda pastoralta, tenta de déterminer les "appelants" à la soumission, tout en les menaçant d'excommunication. Réuni deux ans plus tard, le concile de Latran enjoignit l'observation de la bulle comme un article de foi et le roi Louis XV fit une déclaration publique touchant la conciliation de tous les évêques du royaume. Le Parlement enregistra ladite déclaration "sous réserve des libertés gallicanes" (4 décembre 1720).

Des mesures de répression furent prises contre les "appelants" et le vieil évêque de Senez, Jean Soanen, qui refusait obstinément de se soumettre, fut déposé par le concile d'Embrun.

Diacre Paris

En 1727, le conflit prit un caractère de manifestations populaires à la suite de la mort du diacre François Pâris, qui, écrit Barbier dans son journal, "avait dix mille livres de rentes, qui les donnait toutes aux pauvres, ne mangeait que des légumes, couchait sans draps, vivait constamment d'une manière sainte." 

Il fut enterré au cimetière de Saint-Médard et "tout le peuple de Paris, même les gens au-dessus du peuple" se rendit sur sa tombe "étant regardé comme bienheureux et faisant, au dire de ces gens-là, des espèces de miracles".

Dans la foule qui se pressait au cimetière, des personnes prétendaient prédire l'avenir et des malades se disaient subitement guéris. Une sorte de pélerinage s'organisa : des infirmes furent amenés à Paris de tous les coins de la France. Tous étaient agités de spasmes convulsifs, d'où le nom de "convulsionnaires" qui leur fut donné.

Convulsionnaires de Saint Médard

La Cour et le Roi se trouvaient ainsi avoir à combattre à la fois les superstitions d'en bas et les prétentions du Parlement, lequel entrait ouvertement en lutte avec le clergé sous prétexte de défendre les maximes et les droits de l'Etat contre les empiètements de Rome. Entre le clergé, uni au pape, et le Parlement, dominé par les gallicans et les jansénistes, la guerre dura jusqu'à la Révolution.

Le clergé poursuivit tous ceux qui refusaient d'obéir à la Bulle de "bouche et de coeur". Il dénonçait et condamnait leurs écrits. Il les exclua de la communion comme rebelles aux lois de l'Eglise. 

L'opposition du Parlement devint dès lors de plus en plus agressive ; la compagnie judiciaire intervint à tout propos, se mêlant de tout même en matière de doctrine. Ainsi, le 7 septembre 1731, elle rendit un arrêt concernant la juridiction ecclésiastique, l'autorité du pape et le jansénisme. Un arrêt du conseil du roi le cassa dès le lendemain et le 27 janvier 1732, pour en finir avec ces extravagances fanatiques, Louis XV prit une ordonnance afin d'interdire l'entrée du cimetière de Saint-Médard, sur la porte duquel un plaisantin placarda ce distique :

De par le Roi, est fait défense à Dieu

De faire des miracles en ce lieu.

  • Politique extérieure. Réconciliation avec l'Espagne. Deuxième traité de Vienne (1731)

La politique du cardinal Fleury, fondée sur le maintien de la paix et le désir d' "ôter aux Anglais toute occasion de reprendre la balance en Europe", eut pour première conséquence l'abandon de la voie suivie par le duc de Bourbon.

La naissance d'un Dauphin, en août 1729, avait d'ailleurs réglé la question de succession au trône et mis fin aux intrigues des princes du sang.

Dès le mois de février 1727, les Anglais sollicitèrent Fleury de les soutenir contre les Espagnols qui assiégeaient Gibraltar. Fleury sut temporiser assez habilement pour attendre l'échec de ces derniers, la disgrâce du baron de Ripperda et le découragement de l'Empereur qui reculait devant l'éventualité d'une guerre. Sa médiation amena d'abord l'Autriche à conclure une trève avec les puissances maritimes et à suspendre, pour une période de sept années, le privilège de la Compagnie d'Ostende. Philippe V donna bientôt son assentiment à cette convention (13 juin). Enfin, le ministère Walpole se déclara à son tour partisan de la paix, préoccupé davantage par le développement maritime de son pays. 

Mais les années qui suivirent, l'Empereur montra de nouveau des dispositions si intraitables qu'on put craindre de nouveau un conflit généralisé en Europe.

Germain-Louis Chauvelin

Un ancien magistrat au Parlement de Paris, Germain-Louis Chauvelin, associé depuis 1727 au ministre des Affaires étrangères, conseillait à Fleury d'adopter une ligne résolument nationale, reposant à la fois sur une étroite alliance avec l'Espagne et dirigée contre l'Autriche et les puissances maritimes. C'était reprendre la politique étrangère de Louis XIV mais ce plan parut trop hardi au cardinal.

Par le traité de Séville, signé le 9 novembre 1727, l'Espagne consentit quelques concessions aux marchands anglais et abandonna ses prétentions sur le rocher de Gibraltar. En échange, la France et l'Angleterre lui renouvelèrent la promesse de faire aboutir les prétentions de l'infant Don Carlos en Italie, en l'autorisant à occuper les présides de Toscane.

Au bout d'un an d'une paix précaire, la succession de Parme s'ouvrit brusquement par la mort du dernier Farnèse, Antoine, père de la reine d'Espagne, le 10 mars 1731. C'était l'échéance des engagements pris envers ce pays. L'Empereur était bien tenté de violer les siens, mais le désir de voir reconnaître sa pragmatique (c'est-à-dire les droits de sa fille Marie-Thérèse à son héritage) eut raison de ses répugnances. Par le second traité de Vienne (16 mars 1731), il obtint la reconnaissance de la Pragmatique par l'Angleterre et l'Espagne, et, en échange, il reconnut Don Carlos comme duc de Parme et de Plaisance. La France n'avait pas signé ce traité pour ne pas adhérer sans nécessité à la Pragmatique.

  • La guerre de sucession de Pologne (1733-1738)

"La guerre de succession de Pologne fut la première des crises suscitées par le grand déplacement de puissance qui s'était opéré dans l'Europe orientale au début du XVIIIe siècle" (Albert VANDAL)

Elle éleva la Russie au détriment des vieilles alliées de la France : Suède, Pologne et Turquie.

Auguste II, électeur de Saxe et roi de Pologne, mourut le 11 février 1733. Le trône étant électif, plusieurs candidats se manifestèrent pour le remplacer. Le premier fut naturellement le fils du défunt, Frédéric-

Auguste III de PologneAuguste, qui, moyennant la reconnaissance de la Pragmatique, obtint l'appui de l'Empereur. Celui-ci gagna même la Russie à la cause saxonne (traité de Varsovie, 19 août 1733). La France eût été bien inspirée en soutenant ce candidat, lequel pouvait mieux que personnes régénérer la Pologne. Mais elle avait malheureusement un obligé : "Sa Majesté, comme le disait le comte d'Argenson, se trouvait n'avoir épousé qu'une simple demoiselle et il était nécessaire que la reine fût fille de roi."

Cette considération entraîna la noblesse de cour et dans des sphères plus graves, l'enthousiasme fut entretenu par le parti de Chauvelin qui, rêvant toujours à l'abaissement de la maison d'Autriche, voyait dans la candidature de Stanislas Leszczynski un moyen de provoquer l'Empereur.

Après avoir longtemps résisté à l'entraînement général, Fleury fut finalement forcé d'y céder lorsque Stanislas, ayant été élu en septembre par la Diète, une contre-Diète eut élu Auguste III que les Russes installèrent militairement. La guerre fut déclarée à l'Autriche dès le 5 octobre 1733.

En attendant le début des opérations militaires, Fleury entama des négociations pour atteindre indirectement la Russie et appeler au secours de Stanislas les vieilles alliées de la Pologne : la Suède et la Turquie. Mais la Suède était hors d'état d'entreprendre quoi que ce soit et en Turquie, le grand-vizir, conseillé par un Français renégat, le pacha Bonneval, répondit aux ouvertures du ministre français par la demande d'un traité d'alliance formel. Effarouché par cette perspective, Fleury s'en tint à de vagues déclarations que transmit l'ambassadeur français, le marquis de Villeneuve.

  • Siège de Dantzig (1734)

Siège de Dantzig

Pendant ce temps, les événements se précipitaient en Pologne où l'armée russe commandée par le comte de Munich avait occupé tout le pays et réduit Stanislas à s'enfermer dans la citadelle de Dantzig. Il s'y retrouva bloqué par près de 10 000 hommes. 

Fleury, sous la pression de l'opinion publique, avait envoyé au secours de la place un petit détachement de 1500 ou 2000 hommes, commandé par le comte de la Peyrouse. Celui-ci, jugeant impossible de former le contre-blocus, ramena tout son monde à Copenhague. Il y trouva l'ambassadeur de France au Danemark, Louis de Bréhan, comte de Plélo, gentilhomme breton, qui s'indigna de cette reculade et voulut la réparer.

Plélo prit d'autorité le commandement des troupes et les ramena devant Dantzig. Il entreprit de forcer les lignes russes mais il fut tué dès la première attaque (27 mai 1734). Les survivants se retirèrent et allèrent s'enfermer dans le fort de Wechselmunde où ils capitulèrent un mois plus tard.

La mort du comte de Plélo

Dantzig, dont Stanislas, déguisé en matelot, put s'évader pour chercher un refuge en Prusse, capitula le 9 juillet 1734.

La lutte était terminée en Pologne, Fleury essaya d'arrêter les hostilités en envoya un messager secret, l'abbé Langlois, demander à la tsarine de reconnaître bénévolement Stanislas. Cette démarche eut le succès que l'on devine et la France, vaincue dans la personne de son protégé, essaya de prendre sa revanche sur l'Autriche.

  • Le plan de Chauvelin

Chauvelin, dont les idées revenaient en faveur, songea, en vue d'une annexion future, à neutraliser la Lorraine, que l'héritier de ce pays allait apporter comme dot aux Habsbourg en épousant Marie-Thérèse. Sous l'empire de la même idée, il avait projeté, de concert avec le marquis d'Argenson, d'unir en Italie, par un lien fédératif, les Etats autonomes intermédiaires entre la France et l'Autriche, rapprochés de la première en haine de la seconde.

De ce plan, un peu prématuré pour l'époque, Fleury tira l'idée de fermer les cols alpins à la maison de Savoie. Il s'acquit le concours de Charles-Emmanuel III en lui promettant le Piémont (traité de Turin, 26 septembre 1733) et s'assura de l'alliance espagnole en lui offrant le royaume des Deux-Siciles pour le fils aîné de Philippe V, don Carlos, qui céderait au cadet les duchés de Parme et de Plaisance (traité de Madrid, 25 octobre 1733).

Après cette préparation diplomatique, il commença la guerre sur le Rhin et en Italie. La frontière Nord n'était pas comprise dans le théâtre des opérations, par suite d'une entente avec l'Angleterre.

  • La guerre sur le Rhin et en Italie.

Sur le Rhin, les troupes françaises se bornèrent, en 1733, à envahir le duché de Lorraine et occuper Kehl. L'année suivante, elles eurent à faire face, non seulement aux Autrichiens, mais aussi aux princes allemands, commandés par le vieux prince Eugène. Berwick, avec une armée de 100 000 hommes, n'en assiégea pas moins Philippsbourg qu'il enleva après 48 jours de tranchée ouverte, mais en y laissant la vie.

En 1735, les Russes, faisant leur apparition sur les champs de bataille de l'Europe occidentale, vinrent au nombre de 113 000 pour renforcer l'armée du prince Eugène.

La lutte fut beaucoup plus active au-delà des Alpes où le maréchal de Villars, à la tête de 40 000 hommes, après avoir opéré sa jonction avec les Piémontais, pénétra en Lombardie et entra triomphalement à Milan. Il aurait voulu aller fermer les cols tyroliens aux Autrichiens, mais ses alliés le quittèrent : les Piémontais pour faire le siège des places lombardes, les Espagnols pour marcher sur Naples.

Le 17 juin 1734, le maréchal de Villars s'éteignit à Turin, au moment où une armée impériale, sous les ordres de Mercy-Argenteau, venait de descendre dans l'Italie centrale. Son successeur, le maréchal de Coigny, put, à deux reprises (juin et septembre) repousser les envahisseurs, sous les murs de Parme et de Guastalla, qui conservèrent néanmoins Mantoue et toute la vallée du Mincio. Ils ne purent toutefois pas s'établir au centre de la péninsule.

Charles III de Naples

Pendant ce temps, les 20 000 Espagnols de Don Carlos conquérirent, en quelques mois, tout le royaume de Naples. Après la bataille de Bitonto, le 20 mai 1734, Don Carlos fut proclamé roi à Palerme sous le nom de Charles III.

En 1735, le maréchal de Noailles, après avoir pris le commandement de l'armée française, où il rétablit une discipline des plus sévères, fit reculer le feld-maréchal Koenigseck devant lui, rallia Piémontais et Espagnols et assiégea Mantoue. Il s'éternisa devant cette place lorsque les négociations diplomatiques vinrent suspendre les opérations militaires.

  •  - Troisième traité de Vienne (1738)

Fleury, en effet, n'avait jamais cessé de désirer un accommodement. Il avait écarté, en 1734, comme trop peu avantageux pour la France, un plan de médiation que lui présentait son ami Walpole. Mais l'Empereur ayant, en juillet 1735, fait un appel direct aux sentiments de conciliation du cardinal, celui-ci dépêcha à Vienne un émissaire secret, lequel tomba d'accord avec les ministres impériaux sur les clauses suivantes : l'Autriche cédait les Deux-Siciles à Don Carlos devenu Charles III, qui lui donnait en échange les duchés de Parme, de Plaisance et de Toscane. En échange, la France s'engageait à reconnaître la Pragmatique. Stanislas était dédommagé de son royaume de Pologne par la cession viagère du duché de Lorraine et du Barrois qui retourneraient directement à la France après la mort de Stanislas. 

Les préliminaires de ce traité de paix furent signés à Vienne le 3 octobre 1735.

Son exécution  rencontra des difficultés qui retardèrent de trois ans la conclusion du traité définitif. Tout d'abord, les plénipotentiaires impériaux émirent la prétention de ne mettre Stanislas en possession de son duché que lorsque François serait installé en Toscane ; il fallut, pour cela, attendre la mort du dernier des Médicis. D'autre part, les alliés de la France, Piémont et Espagne, se montrèrent fort mécontents de n'obtenir qu'une partie des avantages qu'ils entendaient poursuivre. Chauvelin, mis dans la confidence des négociations engagées (janvier 1736), leur imprima une telle vigueur et les fit appuyer si bien par des démonstrations militaires qu'il obtint, le 15 février 1737, la cession immédiate de la Lorraine et que le traité de paix définitif fut signé le 18 novembre 1738.

Chauvelin eut malheureusement le tort de compromettre les services rendus par d'obscures intrigues avec l'Espagne et surtout de contrecarrer la réconciliation de l'Autriche avec la France. Le 20 février 1737, il fut exilé dans ses terres.

Raisonnant comme si la maison d'Autriche était toujours l'ennemie de la France, comme au temps de Richelieu, il voyait dans l'union des Boubons de France et d'Espagne le but suprême de sa politique. Fleury eut l'intelligence de comprendre que d'autres puissances avaient émergé en Europe, beaucoup plus redoutables et dont on faisait le jeu en perpétuant de vieilles querelles : la Prusse, la Russie et surtout l'Angleterre qui, dès ce moment, devenait pour la France l'irréductible ennemie.

 

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